Ordres des professions de santé et leurs chambres spécialisées

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Les Ordres professionnels français sont très anciens, en effet, on retrouve des traces de réglementation de certains métiers dès le Moyen-Age.
Il existe aujourd’hui, en France, 16 Ordres professionnels dont 7 pour les professions de santé.

Les premières professions de santé à être dotées d’un Ordre ont été les professions médicales, auxquelles appartiennent les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, ainsi que la profession de pharmacien. Ils ont été instaurés par l’ordonnance du 24 septembre 1945 du Général de Gaulle.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a modifié considérablement les dispositions antérieures relatives aux ordres compétents à l’égard des professions médicales. Elle établit désormais une distinction complète entre les instances juridictionnelles et les instances administratives qui ont notamment une mission de représentation de la profession.

Cette loi supprime également les tentatives des pédicures-podologues et des masseurs-kinésithérapeutes de créer leur propre Ordre en faisant naître le Conseil des professions paramédicales regroupant les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les orthophonistes et les orthoptistes.

Au final, l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes et celui des pédicures-podologues ont été créés en 2004, et installés en 2006 et l’Ordre des infirmiers a été créé en 2006 et installé en 2009.

Les Ordres des professions paramédicales ont été créés sur le même modèle que ceux des professions médicales concernant leur organisation et leurs missions, par transposition d’une grande partie des textes législatifs en vigueur. Cependant, chaque Ordre dispose de textes qui lui sont propres.

Ils sont investis d’une mission de service public et peuvent à ce titre prendre des décisions administratives et disciplinaires.

Ils ont donc pour missions :

  • De faire respecter le code de déontologie, publié pour la première fois au Journal Officiel daté du 28 juin 1947 ;
  • D’édicter les règles déontologiques de la profession et notamment de définir l’ensemble des règles à respecter pour la bonne pratique de la profession ;
  • La régulation de l’accès à la profession. Ils ont donc le pouvoir de standardiser les qualifications au sein de la profession, notamment par les diplômes ;
  • La représentation de la profession face aux pouvoirs publics, notamment lors de réformes, de projets de loi… L’Ordre est un interlocuteur privilégié de l’État ;
  • D’assurer une fonction juridictionnelle notamment par les chambres disciplinaires des conseils des Ordres qui permettent de réguler les comportements et de les condamner le cas échéant ;
  • L’organisation de la concurrence entre les professionnels sur une base équitable. Ce sont des professions qui œuvrent pour le bien commun de la société, la justice, la santé, l’aménagement du territoire, etc. L’Ordre veille donc au respect entre confrères.

Fonction juridictionnelle assurée par les chambres disciplinaires

La loi n°2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dite « Loi Kouchner » et le décret n°2007-434 du 25 mars 2007 ont profondément modifié le régime disciplinaire des professions de santé.

D’une part, elle a transféré la compétence pour statuer en matière disciplinaire, antérieurement exercée par une section disciplinaire de chaque Conseil Régional de l’Ordre (CRO) à une chambre disciplinaire de première instance (CDPI).

La section disciplinaire du CRO était présidée par un professionnel de santé de l’Ordre considéré élu par ses pairs, la CDPI est quant à elle présidée par un membre en fonction ou honoraire du corps des Tribunaux Administratifs et des Cours Administratives d’Appel.

D’autre part, elle a modifié le statut du plaignant qui était précédemment un simple témoin en une véritable partie de l’instance.

Cette qualité de partie lui permet de formuler lui-même sa plainte alors qu’il devait auparavant s’en remettre au Conseil Départemental de l’Ordre (CDO). Le plaignant peut intervenir en présentant des mémoires comme le professionnel de santé. Il est à présent destinataire de toute la procédure et peut exercer les voies et délais de recours contre la décision qui est prise par la chambre disciplinaire.

Le législateur a confié aux Ordres le pouvoir de rendre la justice au nom de l’Etat au travers des chambres disciplinaires de première instance (CDPI) et de la chambre disciplinaire nationale.

Ces deux chambres sont notamment chargées d’examiner les manquements aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques relevés à l’encontre des professionnels de santé.

La chambre disciplinaire de première instance (CDPI) est une juridiction spécialisée de l’ordre administratif, elle forme le 1er degré de juridiction ordinale.

C’est l’un des organes par lesquels l’Ordre veille à l’observation par ses membres de leurs devoirs professionnels. Elle est chargée de se prononcer sur les plaintes dirigées contre des professionnels de santé pour manquement aux règles déontologiques énoncées dans le Code de la Santé Publique et de sanctionner ces éventuels manquements.

Il est à noter que la compétence juridictionnelle au sein de l’Ordre des pharmaciens présente de nombreuses particularités, qui seront mentionnées le cas échéant.

Tout d’abord, le CRO n’est compétent que pour les pharmaciens titulaires d’officine, par le biais des chambres de discipline des Conseils régionaux de la section A. Pour les autres pharmaciens, il existe uniquement des sections au niveau national : ce sont les chambres de discipline des Conseils centraux de la section au tableau duquel ils sont inscrits (section B : pharmaciens de l’industrie, section C : pharmaciens de la distribution, section D : pharmaciens salariés, section E : pharmaciens de l’outre-mer, section G : pharmaciens biologistes, section H : pharmaciens hospitaliers).

De plus, il n’existe pas de chambre disciplinaire au niveau départemental, la discipline est toujours de la compétence du CRO.

La CDPI est placée auprès du CRO qui lui assure les moyens en personnel nécessaires au fonctionnement de son greffe, ainsi que les locaux dans lesquels elle siège. Enfin, il indemnise sur un mode forfaitaire, les professionnels de santé qui participent aux séances de la chambre en tant qu’assesseurs.

La saisine de la juridiction ordinale ne fait obstacle à aucune autre saisine de juridiction administrative ou judiciaire. C’est une juridiction spécialisée autonome, une action judiciaire de droit commun (civile ou pénale) peut donc être intentée conjointement à une action ordinale.

Elle ne prononce que des sanctions prévues par le Code de la Santé Publique, c’est sa compétence d’attribution. Une réparation matérielle ne relève pas de sa compétence, elle ne peut donc être saisie d’une demande de dommages et intérêts en réparation de préjudices de toute nature qu’aurait causés un professionnel dans l’exercice de son activité. Toutefois, elles peuvent également statuer sur des conclusions indemnitaires en cas de procédure abusive.

En plus de sa compétence d’attribution, elle a une compétence territoriale définie. La CDPI saisie est celle dans le ressort de laquelle le praticien ou la société professionnelle poursuivi est inscrit au tableau de l’Ordre à la date où la juridiction est saisie. Elle reste compétente si, en cours de procédure, le professionnel s’inscrit dans un autre département. Dans le cas où il n’est plus inscrit, la chambre compétente est celle dans le ressort de laquelle le praticien était inscrit en dernier lieu (Décret n° 2019-1286 du 3 décembre 2019).

Il existe plusieurs cas de figure pour saisir la CDPI.

Le circuit classique étant le circuit de la plainte : une plainte doit être adressée, préférentiellement par courrier recommandé avec accusé de réception, au CDO dont relève le professionnel de santé mis en cause. La plainte est une demande de sanction ou de condamnation, portant notamment sur le comportement ou les actes du professionnel dans sa fonction de soin ou de fonctions administratives. Elle doit expliquer les faits reprochés au praticien et si possible mentionner les articles du Code de déontologie susceptibles d’avoir été violés. Le praticien sera informé de la plainte déposée à son encontre.

Il est à noter qu’une liste des personnes ou autorités autorisées à déposer une plainte est définie, selon les Ordres, par un article dans le CSP et comprend notamment : un patient ou ses ayants-droit, un autre professionnel de santé, une administration ou un organisme de service public, une association.

Lorsqu’il est saisi d’une plainte, le CDO doit organiser une tentative de conciliation entre l’auteur de la plainte et le praticien mis en cause. En cas d’échec, il transmet la plainte à la CDPI : la procédure devient juridictionnelle.

Il n’existe pas de délai pour saisir l’Ordre. Aucune prescription n’est prévue par la loi dans ce cas.

  1. La phase amiable

Le CDO concerné réceptionne la plainte et organise obligatoirement dans un délai de 1 mois une tentative de conciliation en présence du plaignant, du professionnel de santé mis en cause et de conseillers ordinaux. Un procès-verbal de conciliation, de non-conciliation ou de conciliation partielle sera dressé.

Chaque CDO possède une commission de conciliation composée d’au moins 3 de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission. L’Ordre des pharmaciens ne possède pas de commission de conciliation à proprement parler, le Président du CRO doit désigner 1 à 3 conseillers afin d’organiser cette conciliation.

En cas d’échec de conciliation et si la plainte est maintenue, le CDO l’examine en réunion plénière afin de définir par un vote s’il décide de s’associer ou non à la plainte puis est dans l’obligation de la transmettre à la CDPI, le cas échéant en s’y associant avec son avis motivé dans les 3 mois. Pour l’Ordre des pharmaciens, en cas de non-conciliation, de conciliation partielle, ou de carence, il n’y a pas d’examen par le Conseil, la plainte est automatiquement transmise à la chambre de discipline par le Président du CRO.

Il est à noter que les plaintes avec succès de conciliation sont également examinées par le CDO, afin d’éventuellement s’autosaisir des griefs et la transmettre à la CDPI.

  1. La phase contentieuse

La plainte est enregistrée à la date de sa réception au greffe de la CDPI. Un numéro lui est attribué, et est envoyé un accusé de réception de la plainte. Une copie du dossier dans sa totalité est alors transmise à chacune des parties. Ceci ne s’applique pas à l’Ordre des pharmaciens, cependant dans ce cas, les parties peuvent venir consulter le dossier en prenant rendez-vous directement auprès du Greffe.

La CDPI peut également être saisie directement par le Conseil National de l’Ordre (CNO), le CDO, le Ministre chargé de la Santé, le Préfet de département, le Préfet de région, le Directeur général de l’ARS, le Procureur de la République, une association ou syndicat de praticiens. Dans ces derniers cas, il n’y a donc pas de tentative de conciliation préalable à la procédure juridictionnelle.

Cette liste diffère pour l’Ordre des pharmaciens, pour lequel les personnes autorisées à la saisir directement sont le ministre des Solidarités et de la Santé, le directeur général de l’ Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, le procureur de la république, le DG ARS, le président du CNO, le président du conseil central compétent et le président du CRO (article R4234-2 du CSP).

Cas particulier : professionnels chargés d’une mission de service public

Les professionnels chargés d’une mission de service public (dont notamment les praticiens hospitaliers) ne peuvent être traduits devant la CDPI, lorsque sont en cause des faits qui ne sont pas détachables de leurs fonctions que par les autorités suivantes : le Ministre de la Santé, le Préfet du département ou de région, le Procureur de la République, le Directeur de l’ARS, le CNO, le CDO.

Par conséquent, les personnes soulevant des griefs à l’encontre de ces professionnels chargés d’une mission de service public doivent s’adresser à une des autorités ci-dessus énumérées afin de lui demander de saisir la CDPI. Sous peine d’irrecevabilité de la requête, ces autorités ne peuvent se contenter de transmettre cette demande, mais doivent expressément reprendre à leur compte les griefs de la personne qui les a saisies.

Composition de la CDPI des différents Ordres

Il existe une CDPI par région, placée auprès du CRO.

Elle comprend au minimum 9 membres :

  • 1 président, magistrat du corps des Tribunaux Administratifs et Cours Administratives d’Appel, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat ;
  • 8 professionnels de l’ordre assesseurs titulaires (et 8 suppléants) élus par le CRO de la chambre, à parts égales, parmi d’une part les membres du CRO auquel elle est rattachée (soit 8 assesseurs pour le collège interne), et d’autre part, les membres et anciens membres des Conseils de l’Ordre (soit 8 assesseurs pour le collège externe).

Elle siège en formation collégiale entre 5 et 9 membres (assesseurs et président compris) ayant voix délibératives.

Cette composition vaut pour l’ordre des médecins et celui des chirurgiens-dentistes, des variations peuvent être objectivées dans la composition de la CDPI des autres Ordres :

  • Ordre des pharmaciens : pour les pharmaciens titulaires d’officine, ce sont les chambres de discipline des Conseils régionaux de la section A dont la formation collégiale comprend au moins 15 conseillers assesseurs.
  • Ordre des sages-femmes : siège en conseil inter-régional, la N-A est associée à l’Occitanie (secteur 4).
  • Ordre des masseur-kinésithérapeutes : les assesseurs élus se répartissent selon leur mode d’exercice : 6 libéraux et 2 salariés pour chaque collège.
  • Ordre des infirmiers : les assesseurs se répartissent selon leur mode d’exercice : 12 assesseurs pour le collège interne (2 titulaires et 2 suppléants pour chacun des modes d’exercice libéral, salarié du privé et salarié du public) et 6 assesseurs pour le collège externe (1 titulaire et 1 suppléant pour chacun des modes d’exercice). 
  • Ordre des pédicures-podologues : les deux collèges ne sont formés chacun que de 4 assesseurs (2 titulaires et 2 suppléants).

Procédure devant la CDPI

L’instruction est conduite par un greffe classique, sous l’autorité du président. Il s’agit d’une procédure inquisitoriale écrite et contradictoire. Les parties peuvent se faire représenter (par un avocat ou un confrère) et peuvent prétendre à l’aide juridictionnelle.

Le dossier de la plainte est examiné en audience publique sauf demande contraire du Président de la chambre ou de l’une des parties. La décision est ensuite prise lors du délibéré puis rendue publique et notifiée aux parties.

La chambre dispose d’un délai de 6 mois à compter de la réception du dossier complet pour se prononcer sur une plainte. Délai raccourci à 2 mois pour les procédures d’urgence. A noter qu’il n’existe pas de délai pour l’Ordre des pharmaciens.

La décision est rendue publique par affichage dans un délai moyen d’un mois après l’audience. Sont également informés de la décision le CDO, l’ARS, le Procureur de la République, le Ministre de la Santé, et le CNO.

Pour l’Ordre des pharmaciens, cette notification n’est pas prévue pour le Procureur de la République et elle n’est pas systématique pour le DG ARS.

En cas de condamnation, il existe 4 sortes de sanctions :

  • L’avertissement et le blâme, répertoriés dans le dossier du professionnel ;
  • L’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de sa profession. L’interdiction temporaire d’exercer ne peut excéder un certain nombre d’années qui varie selon la profession : 3 ans pour la médecine, la chirurgie dentaire et les kinésithérapeutes, 5 ans pour la pharmacie ;
  • La radiation du tableau de l’Ordre, à l’exception de l’Ordre des pharmaciens pour lequel cette sanction ne peut être prononcée.

Dans tous les cas, la sanction s’accompagne de l’inégibilité aux organes de l’Ordre pendant 3 ans si avertissement ou blâme, et définitivement pour les autres sanctions. Elles peuvent également être assorties d’une injonction de formation selon l’espèce et les manquements concernés.

A noter que la radiation peut être levée après 3 ans sur décision de la chambre disciplinaire qui a prononcé la sanction.

Les voies de recours habituelles sont ouvertes :

  1. Voie d’appel

A compter de la décision, les parties ont 30 jours pour faire appel de la décision rendue. L’appel peut être interjeté à minima ou à maxima, pour demander l’aggravation ou l’allègement de la sanction, voire son annulation. L’appel peut être fait par le plaignant, le professionnel mis en cause, le Ministre de la Santé, le Procureur de la République, le Directeur général de l’ARS, le CDO ou le CNO.

L’appel est suspensif, la décision est suspendue jusqu’à l’extinction des voies de recours.

La structure d’appel est la chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre à Paris. Elle est présidée par un magistrat professionnel, un conseiller d’Etat, et composée d’assesseurs, qui sont des professionnels élus au niveau ordinal.

  1. Voie de cassation

Au-delà de l’appel, il existe une structure de cassation : le Conseil d’Etat. En cassation, n’est apprécié que le respect des règles de droit. La décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Par principe, le pourvoi n’a pas d’effet suspensif sauf si le conseil d’Etat accorde un sursis à exécution.  

La section des assurances sociales

Chaque juridiction disciplinaire est également composée d’une section qui connait une organisation et un fonctionnement autonome : la section des assurances sociales.

Elle est la juridiction du « contentieux du contrôle technique » de la sécurité sociale. Elle a pour mission de statuer sur les fraudes, abus, fautes et tous faits intéressant l’exercice de la profession commis à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux. Ce contentieux disciplinaire est régi par le Code de la Sécurité Sociale (articles L. 145-7-1, R. 145-1 et suivants) et par le Code de Justice Administrative.

Elle est dotée d’un président distinct et d’une composition particulière : 4 assesseurs dont 2 élus parmi les membres du CRO et 2 représentants des organismes d’Assurances Maladie. La section des assurances sociales siège donc à 5 membres. Pour chaque assesseur titulaire, 5 assesseurs suppléants sont désignés dans les mêmes conditions que les assesseurs titulaires.

Les sanctions susceptibles d’être prononcées sont :

  • L’avertissement ;
  • Le blâme, avec ou sans publication ;
  • L’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de dispenser des soins aux assurés sociaux.

Dans le cas d’abus d’honoraires, le remboursement à l’assuré du trop-perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé est à envisager. Pour l’Ordre des pharmaciens, ce remboursement ne peut pas être ordonné.

Sur le même schéma, les affaires sont jugées par la section des Assurances Sociales de la CDPI du CRO, puis en appel, par la section des assurances sociales du CNO et enfin en cassation, par le Conseil d’Etat.

La formation restreinte

Le CRO peut, par délégation, statuer en formation restreinte constituée de conseillers ordinaux régionaux. Elle n’est pas une juridiction ordinale, mais bien une émanation du Conseil dans sa formation réduite.

Elle statue :

  • En appel en cas de refus d’inscription au tableau de l’Ordre par le CDO ;
  • En première instance sur la suspension d’exercice en cas d’infirmité, d’état pathologique du professionnel, ou en cas d’insuffisance professionnelle (CRO potentiellement saisi par l’ARS sur l’un de ces fondements en cas d’urgence). Dans ces cas, le CRO est saisi soit par le Directeur général de l’ARS, soit par une délibération du CDO ou du CNO.

Infirmité ou état pathologique du professionnel

Dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d’exercer est prononcée pour une période déterminée.
La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé à la demande du CRO par 3 praticiens désignés comme experts, le premier par l’intéressé, le deuxième par le CRO et le troisième par les deux premiers experts.

Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l’expertise. Avant de se prononcer, le CRO peut, par une décision non susceptible de recours, décider de faire procéder à une expertise complémentaire.

Le rapport d’expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du CRO.

Si le CRO n’a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l’affaire est portée devant le CNO.

La notification de la décision de suspension mentionne que la reprise de l'exercice professionnel ne pourra avoir lieu sans qu'une nouvelle expertise médicale soit réalisée, dont il incombe au professionnel visé de demander l'organisation au CRO au plus tard deux mois avant l'expiration de la période de suspension. 

Insuffisance professionnelle

Le devoir déontologique de formation est une obligation réglementaire. Il s’agit pour le professionnel d’évaluer ses propres pratiques et ses compétences pour ensuite se former et mettre à jour son savoir.

Le décret n° 2014—545 du 26 mai 2014 a marqué l’entrée en vigueur des procédures de contrôle de l’insuffisance professionnelle des professionnels de santé.

  1. Contrôle de l’insuffisance professionnelle au moment de l’inscription

En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le CDO commence par informer le professionnel mis en cause de ses doutes et reçoit ses explications. Le CDO peut saisir le CRO qui demande une expertise, les experts ont alors 6 semaines pour déposer leur rapport qui sera transmis par le CRO au CDO.

Le comité d’expertise est également composé de 3 praticiens exerçant la même profession que celui évalué, et le cas échéant, qualifiés dans la même spécialité. Le premier désigné par l'intéressé, le deuxième par le CRO et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier devant appartenir aux membres personnels enseignants (et hospitaliers dans le cas des médecins).

Les experts procèdent ensemble à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation.
La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation théorique et, si nécessaire, pratique du praticien. 
La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié auprès du CRO avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision.  Si le rapport relève l’existence d’une insuffisance professionnelle rendant dangereuse l’exercice de la profession, le CDO refuse d’inscrire le praticien à son tableau tout en précisant ses obligations de formation. Cette décision doit être motivée et est susceptible de recours devant le CRO dans un délai de trente jours. Ce recours n’est pas suspensif.

Le CRO peut organiser une nouvelle expertise ou rendre sa décision directement.
Le praticien ne pourra solliciter de nouvelle inscription tant qu’il n’aura pas au préalable rempli les obligations de formation prévues dans la décision.

  1. Contrôle de l’insuffisance professionnelle d’un praticien déjà inscrit au tableau

Le CRO peut être saisi d’une demande d’expertise par le directeur de l’ARS, le CDO ou le CNO.
Le plus souvent, il est saisi par une délibération du CDO dont l’attention a pu être appelée notamment à l’occasion d’une procédure disciplinaire. La procédure d’expertise est la même que lors d’une demande d’inscription au tableau. Mais une fois que le rapport est rendu, c’est le CRO qui prend la décision après la tenue d’une audience à laquelle sont convoqués le professionnel et le CDO. Cette décision peut consister en une suspension temporaire du droit d’exercer pour insuffisance professionnelle, qui peut être totale ou partielle. Elle est d’une durée déterminée et la décision définit les obligations du praticien. La reprise de l’exercice professionnel du praticien ne pourra avoir lieu sans qu’il ait au préalable justifié auprès du CRO avoir rempli les obligations de formation. La décision peut faire l’objet d’un recours pendant un délai de dix jours devant le CNO. Ce recours n’a pas d’effet suspensif. Un ultime pourvoi est ensuite possible devant le Conseil d’Etat.

Cas d’urgence, CRO saisi par l’ARS

Le Directeur général de l’ARS peut prononcer, sur le fondement de l’article L.4113-14 du Code de la santé publique et en cas d’urgence lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, une décision de suspension immédiate du droit d’exercer pour infirmité, état pathologique ou insuffisance professionnelle pour un délai maximum de 5 mois.
Il saisit ensuite le CRO et la procédure d’expertise décrite précédemment est mise en œuvre.